Dîner fantasma
« L’idée d’organiser des dîners pour les fantômes m’a sans doute été inspirée par une coutume japonaise : la semaine du retour des morts. En été, on consacre une semaine à accueillir les morts qui reviennent. Pendant cette période, les portes de l’au-delà s’ouvrent et les morts reviennent parmi nous, ce sont leurs congés annuels. On les accueille avec de la nourriture, lors de réunions de famille, et même en dansant. Il s’agit bien, en d’autres termes, d’une série de dîners pour les fantômes aux proportions colossales, et quasi officiels, à l’échelle du pays. »
L’écrivain Ryoko Sekiguchi a élevé la cuisine au rang des beaux-arts, réalisant des performances culinaires où convivialité, plaisir des yeux et étonnement des papilles sont les maîtres mots.
Avec Dîner fantasma, elle signe un traité roboratif sur l’art de recevoir les défunts. Véritable art de la table, qui pose avec légèreté la question du deuil et s’interroge avec délicatesse sur ce qu’il convient de servir à ceux que nous avons aimé et dont nous voulons honorer la mémoire.
Le designer Felipe Ribon l’aide à concevoir et à photographier des plats qui n’appartiennent plus tout à fait à notre monde, où les goûts, les couleurs, les odeurs et les textures sont l’objet de toutes leurs attentions.
Cette expérience est consignée par Ryoko Sekiguchi, non sans humour, sous forme de notes, de recettes, de préceptes, de souvenirs personnels et de récits de traditions japonaises.
« Nous n’avons aucune assurance de l’efficacité de ces notes, qui ne sont pas vraiment des notes, ni à proprement parler des recettes : on en trouverait sans peine de plus “attirantes” pour les fantômes. Mais en définitive, puisque personne, que l’on sache, ne s’est encore risqué à inviter les fantômes à partager un repas, ces recettes et la chronique de notre expérience, la première du genre, peuvent s’avérer utiles à ceux qui voudraient s’initier. »
Mais préparer à dîner pour les fantômes ou pour les vivants n’est au fond pas si différent. C’est avant tout une question de plaisir, d’attention et de générosité. Un art d’aimer.
La reliure à la japonaise et des papiers presque transparents font de Dîner fantasma un livre volatile, évanescent et léger qui s’enroule autour de la main comme la robe d’un fantôme.