Plaisir de jouer, plaisir de penser
Si Charles Rosen considère que la musique occidentale ne peut être pleinement comprise qu’en passant par l’analyse et l’histoire culturelle d’une œuvre ou d’un style, il rappelle que l’étonnement poétique est la clé d’entrée dans une partition.
Ces entretiens sont ainsi une excellente introduction à sa conception de l’analyse stylistique et de l’interprétation d’une partition. Entre la théorie et l’intime, il nous offre une masterclass sur les plaisirs de l’interprétation musicale. et sur les liens entre le plaisir sensuel du jeu avec l’instrument et le plaisir intellectuel de l’analyse stylistique et historique.
Catherine Temerson sait aussi l’emmener sur des territoires plus personnels : il retrace son itinéraire, de l’apprentissage avec Moriz Rosenthal (élève de Franz Liszt), à ses tournées de concerts dans le monde entier. Il décrit la complicité qu’il entretient avec son instrument : le piano crée un lien direct entre le corps de l’interprète et les sons.
Ces dialogues sont une œuvre à part entière qui entre en résonance avec une conception élargie de la musique : elle apporte au moins deux plaisirs qui ne sont pas directement liés à l’ouïe : l’un musculaire et l’autre intellectuel.
« De toute façon, comme l’a dit Schnabel, il n’y a pas d’exécution définitive : une sonate de Beethoven sera toujours supérieure à l’exécution que l’on peut en faire. Il y a plusieurs façons de se tenir à la partition : elles mènent à des interprétations complètement différentes. C’est justement la tension qui existe entre texte et exécution qui est intéressante, et qui disparaît si l’interprète s’éloigne trop de la partition. Toute la difficulté est là : parvenir à jouer d’une façon très personnelle, très inventive, mais en s’appuyant complètement sur le texte. »