Palais des glaces
« Demander aux artistes de se présenter en quelques mots me semble bien souvent, en dépit de bonnes intentions, une mise à l’épreuve, un gage contre nature. Lorsque je me retrouve à devoir dire : mon travail parle de, je m’intéresse à ci ou ça, je ne perçois que trop le ridicule de la situation, l’absurdité qu’il y a à essayer de faire une visite guidée de soi-même. Dans ce domaine, on n’est jamais mieux servi que par les autres. De quoi cela parle ? Mais avant tout, de ce que vous voyez, ce que vous y voyez.
Ma biographie en version condensée n’évolue pas beaucoup, j’hésite quelquefois à la renouveler, mais je ne sais pas quoi dire d’autre que ce qu’il y a dedans. Il m’arrive d’avoir envie de changer, mais je ne le fais finalement pas, car j’imagine qu’on doit se lasser des tentatives telles que : passe le plus clair de son temps à déambuler dans le réel, n’adore pas le clafoutis, craint les moustiques et leurs virées nocturnes, ne suit pas le cours de la Bourse et porte sur l’avenir un regard discrépant.
(…) Malgré le nombre des années, je ne sais toujours pas comment répondre à : Comment vous définir ? Vous êtes plutôt écrivaine, cinéaste, plasticienne ? Vous préférez qu’on vous dise écrivain ou écrivaine ? Alors, j’essaie de m’en tirer par des pirouettes. »
Valérie Mréjen, extrait de Communiqué
« Ce qu’on commence à comprendre, c’est qu’ici tout communique. Les découpages, les romans, les vidéos, les photographies : ce sont toujours des portraits, et ces portraits, qu’ils soient ou non parlants, sont toujours des histoires contenues, du langage ramassé sur lui-même. Et derrière ces portraits, il y a une main qui décortique, ôte la graisse comme on dit, le surplus, l’inessentiel, qui rassemble, taille, coupe au bon moment, fait entendre tout ce qui est passé sous silence à la surface de quelques mots et, à la surface du silence, tout ce qui parle encore. »
Bertrand Schefer
V. M. Tout cela nous ramène au palais des glaces, ce labyrinthe aussi attirant qu’angoissant.
L. M. Palais des glaces, oui, où les miroitements des fictions minuscules, des récits possibles sont comme des éclats de mica qui projettent des lumières – d’étoiles mortes ? trop lointaines ? Où est-ce que, les relayant, ces éclats réactivent les récits et les remettent au présent, sans se soucier de ce qui est vrai ou faux, luxe ou toc dans ce palais où la transparence des glaces ne s’oppose pas à l’opacité des signes ?
V. M. Dans le palais des glaces, à cause de l’effet boule disco, on ne sait plus très bien s’il s’agit de reflets, ou de reflets de reflets. J’aime cette idée du toc juxtaposé à de la « vraie » poussière d’étoiles, sans qu’on puisse faire la différence. La beauté des êtres est dans cet alliage entre minerai véritable et pâle imitation.
Extrait de l’entretien avec Laurent Mauvignier