ARABOFUTURS
Edité à l’occasion de l’exposition « ARABOFUTURS », cet ouvrage explore les mouvements dans l’art contemporain arabe identifiés depuis les années 2010 sous le terme anglais Arabfuturism.
On y découvre 18 artistes issus du monde arabe (Maghreb, pays du Golf, diaspora) qui convoquent des imaginaires typiques de la science-fiction – tels que l’utopie, la dystopie ou l’anticipation – pour questionner voire réinventer les normes des sociétés arabes et leur avenir. Mondialisation, désastres écologiques, migrations, exodes, identités, hybridation ou décolonisation sont quelques-uns des sujets de prédilection de ces artistes.
La science-fiction arabe puise ses origines dans les récits fantastiques de la littérature classique (comme Les Mille et Une Nuits) et prend son essor avec le cinéma, à la faveur de l’influence américaine et du développement des studios égyptiens notamment. Au carrefour des enjeux culturels, sociaux, économiques et politiques, tant nationaux qu’internationaux, les mouvements AraboFuturs, imprégnés de cette histoire profonde et récente, interrogent notre présent et projettent des avenirs possibles.
Cet ouvrage a l’ambition d’offrir une perspective approfondie sur le phénomène futuriste dans la création arabe contemporaine. Il s’agit de fournir au public francophone un aperçu de la production et des recherches liées à la science-fiction et aux futurités arabes. Il donne ainsi la parole À des auteurs internationaux – historiens, philosophes, enseignants, chercheurs, critiques, curateurs – et propose une approche multidisciplinaire et scientifique du sujet.
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Le titre de l’exposition trouve un écho dans le texte de Bodhisattva Chattopadhyay et Merve Tabur, où ils proposent la notion philosophique de « CoFuturs ». Selon eux, cette notion permet d’aborder de manière équitable les diverses formes de « futurismes » qui ont émergé au fil des décennies dans l’art contemporain, tout en préservant l’originalité et l’engagement politique de chacun. L’approche se focalise pleinement sur l’imagination et la visualisation de nouvelles formes de futurs, telles que celles qui se sont développées ces dernières années au sein de l’espace géoculturel arabe.
N’a-t-on pas maintes fois entendu dire que la science-fiction et le monde arabe étaient incompatibles ? Le texte d’Ibrahim Akel permet de réfuter ce genre de préjugé : en se plongeant dans les livres d’adab (les belles lettres), il a isolé des éléments du registre fantastique et d’une proto-science-fiction dans les cultures arabes musulmanes classiques. Continuant ce cheminement historique, Kawthar Ayed et Diana Kasem présentent respectivement la naissance et le développement d’une science-fiction de matrice arabe dans la littérature et le cinéma du xxe siècle.
Toutefois, ces motifs de science-fiction sont bien différents de ceux qu’emploient les artistes contemporains. Ces derniers sont présentés par Nat Muller, qui aborde la « futurité » comme une notion qui n’est pas simplement ce qui vient après le passé et le présent dans un schéma linéaire, mais ce qui est produit de manière désordonnée. Ainsi, le fait que les artistes aient recours à la représentation du futur leur permet de rattraper le temps perdu, suggérant la possibilité de retrouver voire de restaurer à travers leurs oeuvres ce qui a été égaré par l’histoire.
Dans son texte, Laura Hindelang se focalise sur les perspectives de futurs passés qu’ouvrent certains artistes des pays du Golfe notamment à travers les imaginaires associés au pétrole. Elle analyse ainsi leurs oeuvres à travers le prisme de l’iridescence : un phénomène optique qui se manifeste par la capacité de certaines surfaces à modifier leur teinte en fonction de l’angle sous lequel elles sont observées, tel celui que l’on retrouve dans les taches d’huile ou les bulles de savon. Cette esthétique se caractérise par un spectre de couleurs symbolisant la représentation de futurs qui pourraient exister mais ne sont pas encore pleinement réalisés.