Entretien avec Nil Yalter
Nil Yalter a obtenu le Lion d’or de la 60e Biennale de Venise pour l’ensemble de son œuvre.
« Il n’y avait pas de spécificité d’artistes du Moyen-Orient, mais “les femmes artistes” comme problématique. Alors qu’est-ce que c’est, l’art des femmes ? Par exemple, on me critiquait parfois […] parce que j’utilisais la vidéo, la photographie. Je me servais d’un média utilisé par les hommes. Il y avait deux groupes : celles qui regardaient psychanalytiquement et physiquement le corps de la femme ; et mon travail, qui était un peu trop politisé. »
Née en 1938, Nil Yalter quitte définitivement la Turquie pour s’installer en France au milieu des années 1960, et aussitôt elle fréquente les cercles féministes où se discutent la place des femmes dans la vie intellectuelle, politique et économique du pays.
« C’est un dur métier que l’exil » aurait pu être le sous-titre polysémique de cet entretien réalisé par Fabienne Dumont en 2019, tandis qu’ensemble elles préparaient l’exposition rétrospective au MacVal (Trans/humance, du 5 octobre 2019 au 9 février 2020). Exil géographique et culturel, et exil au sein d’un monde dominé par les hommes, car à l’époque, plus encore qu’aujourd’hui, être “femme artiste” était un combat.
Pionnière des nouveaux médias et d’une approche documentaire et sociologique de l’art, Nil Yalter est aujourd’hui regardée avec une attention accrue pour sa grande actualité à la fois formelle et conceptuelle, portant sur des problématiques qui continuent de traverser nos sociétés : les luttes des femmes, les migrations ou encore la condition des travailleurs et travailleuses. Mené avec la complicité de Fabienne Dumont, cheville ouvrière de sa redécouverte, cet entretien déroule la trajectoire d’un demi-siècle d’une carrière engagée, dans la critique sociale comme dans l’innovation technologique, croisant de multiples comparses de lutte et de création, qui la place parmi les figures incontournables de la scène artistique contemporaine.
Nil Yalter a été lauréate du prix d’honneur AWARE (Archives of Women Artists, Research and Exhibition) en 2018. Ce prix symbolise la nécessaire reconnaissance de grandes artistes femmes dont l’œuvre et la carrière ont trop souvent été méconnues ou redécouvertes tardivement dans le cadre de rétrospectives partielles. Ce prix s’accompagne de la publication d’un long entretien qui est l’occasion d’entrer dans les détails de leur vie, de leur parcours et leurs rencontres.