Le fleuve qui voulait écrire – Les auditions du Parlement de Loire
« C’est une triste chose de songer que la nature parle et que le genre humain n’écoute pas. » Victor Hugo
Voici l’histoire d’un soulèvement légal terrestre.
Et si un fleuve, Loire, et les divers éléments terrestres, écrivaient une Constitution ?
Et si les entités naturelles, rivières, montagnes, forêts, océans, glaciers et sols…
étaient, à force d’appropriation, d’extraction, en voie d’inventer leur grammaire, exigeant leurs représentations ?
Ce livre déploie un récit : celui d’un soulèvement légal terrestre où une commission constituante se voit confier la charge d’accueillir les éléments de la nature dans nos enceintes humaines.
Il suit une expérience collective bien réelle, celle des auditions pour un parlement de Loire qui, entre l’automne 2019 et le printemps 2021, a cherché à définir les conditions dans lesquelles les êtres de la nature, en l’occurrence, un fleuve français, doivent accéder à la personnalité juridique.
Les lectrices et lecteurs pourront y découvrir un processus instituant – un théâtre de métamorphoses – pour établir un plus vaste souverain, ouvert aux éléments de la nature. Ils pourront y suivre les débats annonciateurs d’un avenir où, dans le sillon de la loi néo-zélandaise faisant de la rivière Wanghanui une personne légale, les éléments naturels participeront à l’élaboration des règles de la vie commune.
Extrait de l’introduction de Camille de Toledo,
“Du langage des êtres de la nature” :
« C’est à partir de cette toile de fond que nous avons travaillé à ce livre-processus : pour penser cette bascule, ce “soulèvement légal terrestre” depuis nos lieux, ici, en France, en Europe, pour donner des outils à celles et ceux qui voudront dans l’avenir mettre un peu de leurs forces dans une transformation de nos écritures. Car le monde est écrit. Les États, le capitalisme sont le fruit de la loi, d’une certaine écriture de la loi. Et quand la loi change, quand un imaginaire légal nouveau apparaît, c’est l’écriture, donc les termes de nos habitations, qui sont modifiés. Comment écrire la loi pour que l’avenir soit autrement habité, animé ? Quelle écriture du monde peut-on déployer pour que la balance entre les intérêts humains et non humains soit plus juste, plus équilibrée ? Voici quelques-unes des questions que soulève la transformation juridique en cours. Nous avons souhaité par ce livre mettre ces questions en mouvement. Nous l’avons fait depuis la Loire, soit depuis un bassin-versant encore en partie sauvage ; un lieu de conflits entre le fleuve et ses usages, mais aussi un lieu d’attaches et de liens sensibles. Que veut écrire le fleuve ? nous sommes-nous demandé. Quelle langue parle-t-il ? Quelle organisation légale nouvelle permettrait de l’entendre, de le traduire ? Comment se rattacher à lui et lui offrir, dans nos enceintes humaines, une présence ? Si, dans des pays lointains, les lois et les décisions de justice offrent le statut de sujets aux éléments de la nature, est-il possible d’en faire autant depuis le droit français ? Est-ce souhaitable ? Faut-il appliquer à la Loire le “modèle Whanganui“, le “modèle Atrato“ ? Et si une telle transformation a lieu, comment organiser cette nouvelle présence, ce complément à notre dessin institutionnel ? »