Temps-Mêlés
« De même que je m’essoufflais enfant à l’entrée de Pays-mêlé, menant ma course sous la menace ancestrale d’un arbre qui à la fin et le plus souvent se trouvait favorable (il a été dessouché pour l’installation d’un rond-point, et c’est le vide que j’éprouve aujourd’hui en passant par là), ainsi suis-je sensible à la course immobile que, dans des conditions combien plus tragiques, à l’ombre de la souffrance et de la mort, a menée Julieta Hanono, mêlant le temps et le pays et la parole et la famille, et laissant mûrir cet emmêlement, qu’elle a rapporté en tableaux, vidéos et installations, dont l’âme reste la lente et puissante organisation de ce prodigieux tissage du temps des cellules.
Que la prisonnière, une fois libérée, ait eu l’inspiration de demander à des tisseuses ou à des tricoteuses de recommencer son geste, et de mêler 395 fois leurs différences et leurs ressemblances, sur les mêmes carrés chaque fois recommencés, voilà qui prouve, avec toute la joyeuse pétulance des passions populaires, que l’art est notre prison, mais qui nous pousse sans cesse à nous évader. »
Extrait de la préface d’Édouard Glissant
« Jamais je ne peux dessiner jamais peindre jamais écrire, l’unique activité acceptée – quelques mois plus tard – la lecture, le tricot avec des aiguilles en bois et la broderie. »
Julieta Hanono